Violences sexuelles vécues pendant l’enfance par des hommes : une professeure de l’UQAM brise les tabous
Le 19 février 2024 – Saviez-vous que les hommes victimes de violences sexuelles pendant l’enfance attendent en moyenne 20 ans avant d’en parler pour la première fois, parfois même jusqu’à 40 ans ? C’est pour briser les tabous, déconstruire les normes néfastes de la masculinité et démystifier la trajectoire des survivants que la professeure au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Natacha Godbout, lance, en collaboration avec son partenariat de recherche, le projet artistique Tracer les maux.
Inspirés d’entrevues d’hommes victimes d’agressions sexuelles pendant l’enfance, menées par l’équipe de la professeure Godbout, sept autrices et auteurs et six artistes en arts visuels ont mis en mots et en images la vie, les répercussions des traumas ainsi que le chemin vers la guérison de ces hommes. Parmi ces artistes, mentionnons : Mickaël Bergeron, Kharoll-Ann Souffrant, Sébastien Bérubé, Denis-Martin Chabot, Steve Gagnon, Christian Girard, Gabriel Robichaud, Francis-William Rhéaume, Chaimae Khouldi, Florence Sabatier, Mathilde Corbeil, Juliette Pierre et Layloo Lapierre. Les œuvres seront exposées au niveau métro du pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM jusqu’au 1er mars et disponibles en ligne.
« Les artistes ont fait preuve d’une sensibilité déconcertante. Leurs textes et leurs images reflètent à juste titre les témoignages entendus lors de nos recherches. Les résultats de cette alliance entre la science et l’art sont tout à fait surprenants. J’espère que ce projet unique lèvera le voile sur le sujet encore tabou qu’est la victimisation au masculin. »
Natacha Godbout
Le projet
Le projet Tracer les maux s’inscrit dans une étude réalisée depuis 2022, en partenariat avec des organismes venant en aide aux hommes ayant vécu des abus pendant l’enfance. Cette étude a permis de recueillir des témoignages poignants et de les encapsuler dans une série de cinq vidéos destinés aux personnes intervenantes auprès des survivants et du grand public.
Les données ont été recueillies auprès de 379 hommes qui ont recours à des services de consultation auprès d’un organisme d’aide au Québec. Quelques faits saillants de la recherche :
- 50 % de l’échantillon n’ont jamais dévoilé à un proche l’agression sexuelle qu’ils ont subie pendant l’enfance.
- 1 homme sur 3 ayant vécu des traumas interpersonnels rapporte une détresse psychologique moyenne à élevée.
- 9 hommes sur 10 rapportent des symptômes de détresse psychologique : dépression, anxiété et irritabilité, problèmes cognitifs (trous de mémoire).
- 7 hommes sur 10 rapportent de la dysrégulation émotionnelle.
- 50 % des hommes vivent avec des symptômes de stress post-traumatique (flashbacks, évitement, hypervigilance).
- 7 hommes sur 10 rapportent une estime de soi négative ou très négative.
- 92 % présentent des insécurités au niveau de leur attachement romantique, ce qui peut nuire à leurs relations interpersonnelles.
Extraits des œuvres
Christian Girard
je ne peux évidemment parler de la douleur d’un autre sans reprendre en
moi-même ce parcours cahoteux ce sentier de souffrances intimes qui
souvent me laisse sans voix ça tangue ça brasse et j’étouffe je reprends malgré moi la
lourde charge de mon isolement sur mes épaules et ça tangue et m’enfarge et
m’assomme et je tombe
comme un enfant s’effiloche en lui-même
et
par la suite
grandit croche
Steve Gagnon
l’enfance n’est pas à l’infini réparable
et quand elle n’est pas jolie
quand elle se gâche trop tôt
nous passons le reste de nos vies à ramasser des pots qui se
cassent et se cassent éternellement
je sais ce que c’est qu’une enfance éclatée en plein de petits
morceaux irréconciliables les uns les autres
nous devenons des hommes et des femmes avec de toutes
petites mains
maladroites
qui n’arrivent pas à faire tenir en place nos hésitantes
existences
je sais
Toutes les autres œuvres sont disponibles en ligne.
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La professeure Natacha Godbout, les artistes ainsi que des hommes survivants sont disponibles pour des entrevues.
Source :
Joanie Doucet
Conseillère en communication
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