Une étude de l’UQAM s’intéresse aux conflits entre copropriétaires de condos
Le 15 janvier 2024 ─ « Dans n’importe quel événement mondain, il suffit de prononcer le mot copropriété et les discussions s’enflamment », observe la professeure du Département des sciences comptables de l’École des sciences de la gestion (ESG UQAM) Micheline Renault. Plus souvent qu’autrement, il sera alors question des relations difficiles, voire acrimonieuses, entre copropriétaires ou entre copropriétaires et administrateurs au sujet du bruit, de l’entretien de l’immeuble ou du non-respect des règles communes. La chercheuse a voulu comprendre les raisons expliquant la récurrence de ce type de conflits dans les copropriétés.
L’idée émane de sa propre expérience: il y a quelques années, Micheline Renault a vécu une situation désagréable à titre de copropriétaire. « Il s’agissait d’un conflit qui s’est réglé en cour, raconte-t-elle. C’est à ce moment que je me suis mise à réfléchir aux causes de ces problèmes et à jeter les bases d’un projet de recherche. »
La professeure a rapidement constaté qu’il n’existait presque rien dans la littérature scientifique sur les petites copropriétés, celles qui comptent 21 unités ou moins, même si plus de 90 % des immeubles en copropriété sont de ce type au Québec (dont une bonne part compte 10 unités ou moins). D’où un intérêt grandissant pour son sujet constaté au fil des mois.
En février 2020, Micheline Renault était gênée de le présenter lors d’une conférence internationale sur les multi-habitations à Melbourne, en Australie. Son projet n’en était alors qu’à ses balbutiements. « Toutes les présentations portaient sur les grandes tours d’habitation et les villes verticales, se rappelle-t-elle, et moi j’arrivais avec mes histoires de chicanes de triplex du Plateau-Mont-Royal. Pourtant, ma présentation a été un succès et a ravi les organisateurs. »
La composition du conseil d’administration
L’hypothèse de départ de Micheline Renault: la disparité entre une copropriété qui se porte bien et une qui se porte mal est due à la composition de son conseil d’administration.
Dans une copropriété, il y a deux organes décisionnels, rappelle la professeure, comptable agréée de formation, l’assemblée et le conseil. « L’assemblée des copropriétaires élit chaque année un conseil d’administration composé de deux ou trois personnes. Le mandat de ce conseil d’administration est de bien entretenir l’immeuble et de créer une atmosphère de vie agréable pour les occupants de la copropriété. » Ce conseil d’administration a beaucoup de pouvoir, notamment en ce qui concerne la gestion du budget pour l’entretien régulier et la réfection de l’immeuble.
Une avalanche de données
Le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ) a accepté de fournir les adresses courriel de ses membres afin que Micheline Renault puisse leur faire parvenir son volumineux questionnaire de recherche comportant une soixantaine de questions (l’engagement du RGCQ s’est arrêté là, précise la chercheuse en insistant sur le fait que sa recherche était totalement indépendante). « En trois jours, j’ai reçu au-delà de 200 questionnaires complétés! J’ai eu la confirmation que le sujet touchait une corde sensible et intéressait les gens partout au Québec », observe-t-elle.
Quelques semaines plus tard, elle avait les réponses de 325 questionnaires à analyser. « J’avais besoin de quelqu’un pour faire parler toutes ces données », se rappelle-t-elle en riant.
La professeure s’est adjoint les services de l’agent de recherche Patrick Coulombe (B.Sc. psychologie, 2010), spécialiste en statistique appliquée. « Ce fut mon premier gros projet à l’UQAM », raconte celui qui a été embauché au printemps 2022 pour démarrer AlloStatsESG, le service-conseil en statistique pour la communauté de l’ESG UQAM. « Nous avons d’abord extrait les données décrivant la situation des petites copropriétés au Québec, pour ensuite nous attarder aux variables permettant de prédire les problèmes », relate-t-il.
Types d’immeubles et types de gestion
Micheline Renault et Patrick Coulombe ont identifié deux profils d’immeubles: l’un avec des unités homogènes, qui ont peu de différences entre elles et se trouvent dans de petits immeubles; l’autre avec des unités disparates, pour lesquelles il existe des différences notables de superficie, de nombre de fenêtres ainsi que la présence de terrasses, de verrières et de jardins. Le profil des unités homogènes comptait pour 65 % de l’échantillon contre 35 % pour celui des unités disparates.
« L’autre variable à l’étude, c’est le type de gestion, précise Patrick Coulombe. Nous avons là aussi identifié deux types de gestion: un profil de conseil d’administration plus structuré (45 % des répondants) et un profil moins structuré (55 %). »
Le conseil d’administration dit structuré possède au moins un membre possédant des compétences professionnelles en gestion, précise Micheline Renault. « Ce dernier veille à la rotation des administrateurs, en s’assurant qu’ils soient élus sur la base de critères définis, se conforme à la déclaration de copropriété, est à l’écoute des copropriétaires, suit des formations, mène des assemblées constructives et informatives, et exerce une gestion proactive des travaux », illustre-t-elle.
À l’opposé, le conseil d’administration au profil moins structuré montre des signes d’autocratie (avec des mandats qui se prolongent indéfiniment), de non-respect de la déclaration de copropriété et de négligence dans l’entretien et la conservation de l’immeuble.
Les problèmes fréquemment vécus
Les problèmes les plus souvent rapportés par les personnes ayant participé à l’étude concernent l’application de la déclaration de copropriété (39 %) et le bruit (32 %) ainsi que la répartition des coûts des travaux entre les unités (20 %). « Les résultats indiquent qu’il n’y a aucun lien entre le types d’immeuble et les problèmes identifiés par les copropriétaires, révèle Patrick Coulombe, mais il y en a entre le profil du conseil d’administration et les problèmes de copropriété. »
« Le profil d’administration moins structuré est le seul prédicteur des difficultés rapportées par les copropriétaires », confirme Micheline Renault. Son étude met en lumière des relations significatives entre cinq des problèmes relevés par les répondants – le manque de diligence dans la prévention de la dégradation de l’immeuble, la répartition des coûts, le bruit, les relations entre les copropriétaires et les relations entre les copropriétaires et les administrateurs – et le profil des conseils d’administration.
« Ces résultats montrent l’importance d’une bonne administration pour réduire les risques personnels et financiers dans une copropriété de petite taille », souligne Micheline Renault.
Un récent article du quotidien La Presse, qui portait sur l’augmentation des frais de condo, soulignait à cet effet que les jeunes désaffectionnent la copropriété, remarque la professeure. « Je pose l’hypothèse qu’en constatant les problèmes vécus par leurs parents retraités ou les ayant expérimentés eux-mêmes, ils souhaitent quitter ce type d’habitation », analyse-t-elle.
Les résultats de l’étude réalisée par Micheline Renault et Patrick Coulombe ont fait l’objet d’un dossier spécial dans le numéro d’automne 2023 de Condoliaison, la revue d’information du RGCQ. Une capsule vidéo avait été réalisée au printemps dernier dans la foulée de la présentation de leur projet de recherche au congrès de l’Acfas.
Cet article a d’abord été publié dans Actualités UQAM le 9 janvier 2024.
La professeure Micheline Renault est disponible pour accorder des entrevues. Vous pouvez la joindre par courriel, renault.micheline@uqam.ca, ou encore par l’entremise de la soussignée.
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Source :
Julie Meunier
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