Une équipe de recherche de l’UQAM découvre des microorganismes pour dépolluer les mines abandonnées
L’équipe de Cassandre Lazar s’intéresse au rôle des bactéries, zooplanctons et autres bêtes minuscules dans la détoxification des sites contaminés par des métaux lourds.
Le 1er octobre 2024 – Le Québec compte plus de 220 mines abandonnées sur son territoire. Laissés en plan depuis plusieurs décennies – les compagnies minières n’étaient pas tenues de restaurer les sites avant l’entrée en vigueur de la Loi sur les mines de 1988 –, ces anciens sites miniers contiennent des cocktails de métaux lourds qui présentent d’importants enjeux environnementaux. «La bonne nouvelle, c’est que même dans les milieux détruits par l’homme, la vie reprend toujours le dessus», affirme la professeure du Département des sciences biologiques Cassandre Lazar.
Quelques années après l’abandon d’une mine, l’eau souterraine remonte à la surface et inonde les tunnels et les fosses d’ascenseurs. Un mélange d’eau souterraine et de métaux lourds forme alors un nouvel environnement dans lequel apparaissent des microorganismes provenant des sols, des roches et de l’eau. «Ces microorganismes extrêmement résilients développent des stratégies métaboliques pour survivre à leur nouvel environnement, que ce soit par mutation ou par échanges de gènes», mentionne Cassandre Lazar.
Avec l’aide de plongeurs qui y recueillent des échantillons, Cassandre Lazar et son équipe étudient le rôle des microorganismes qui vivent dans deux mines abandonnées depuis près d’un siècle, soit l’ancienne mine de fer Forsyth et l’ancienne mine de mica Blackburn, toutes deux situées en Outaouais. L’équipe a ainsi découvert que plusieurs bactéries, zooplanctons et d’autres microorganismes présents dans l’eau contribuent à l’élimination des métaux lourds de la mine. Un article portant sur les recherches effectuées à la mine Forsyth a récemment été publié dans la revue Applied Microbiology, alors qu’un autre sur la mine Blackburn devrait être publié au cours des prochains mois.
Création de nouvelles espèces
À Forsyth, l’équipe formée de la candidate au doctorat en biologie Élise Lhoste, de l’étudiante à la maîtrise en biologie Lucine Gonnet et de Cassandre Lazar ont reconstruit des génomes entiers de microorganismes. «On a même trouvé une bactérie jusque-là inconnue dans les bases de données!, s’exclame la professeure. En observant les gènes de cette bactérie, nous avons découvert qu’elle était capable d’éliminer certains métaux lourds comme l’arsenic, le cuivre et le fer, ce qui présente un potentiel de bioremédiation vraiment intéressant.»
Cassandre Lazar précise que cette détoxification n’est pas «souhaitée» par la bactérie: elle est une heureuse conséquence de son mode de survie. «Comme tout organisme vivant, la bactérie cherche une source de carbone et d’énergie pour survivre. Dans le cas de la mine Forsyth, elle trouve cette source dans les métaux lourds, qu’elle transforme pour les rendre moins toxiques.»
Quelques échantillons récoltés à la mine Forsyth ont été prélevés à plus de 180 mètres de profondeur, ce qui représente un record du monde de plongée en eau froide. «L’homme qui a fait cette plongée de huit heures a pris un grand risque, mais nous sommes très heureux de ce que nous y avons découvert, reconnaît Cassandre Lazar. Les bactéries qui vivent à 180 mètres de profondeur sont très distinctes de celles qui vivent à la surface. Elles ont trouvé une façon à la fois simple et spécifique de survivre, soit en recyclant des molécules contenant un seul atome de carbone.»
Pour se protéger du milieu extérieur, ces microorganismes forment des biofilms – des amas structurés de cellules enrobés d’une matrice polymérique – et s’attachent à la surface des roches ou du bois. «Beaucoup de microorganismes en eaux profondes ont choisi de diminuer leur taille à 100 nanomètres, ce qui est beaucoup plus petit qu’une bactérie normale, précise la chercheuse. Ces bactéries ultrapetites éliminent des gènes inutiles et gardent le strict minimum pour survivre.»
Des daphnies qui ingèrent des métaux lourds
À la mine Blackburn, dont la particularité est qu’un énorme cratère de près d’un kilomètre de diamètre se trouve au-dessus de l’ancienne mine, Cassandre Lazar et son collègue Maikel Rosabal Rodriguez ont observé une situation totalement différente de celle de la mine Forsyth. «Les zooplanctons sont beaucoup plus gros, on peut même les voir à l’œil nu», note la chercheuse.
La découverte la plus marquante de l’équipe de recherche concerne les daphnies, de petits crustacés mesurant de 1 à 4 millimètres. Habituellement transparentes, les daphnies deviennent rouges uniquement en période de stress. «Or, les daphnies de la mine Blackburn sont toujours rouges, constate Cassandre Lazar. En regardant leurs tissus, on a compris que pour survivre, elles ingèrent les métaux lourds et les gardent à l’intérieur d’elles-mêmes».
Fait encore plus surprenant, ces daphnies résistent à des concentrations de métaux lourds extrêmement élevées. «On n’a pas encore observé de concentrations assez grandes pour les tuer!, dit Cassandre Lazar en riant. Tous les spécialistes trouvent cela très surprenant. Les daphnies se sont adaptées à merveille à leur milieu difficile.»
L’été dernier, l’étudiant au baccalauréat en biologie en apprentissage par problèmes Olivier Chaput a effectué un impressionnant travail: il a récolté près de 300 échantillons d’eau de la mine Blackburn, à différentes profondeurs et à différents endroits. Son travail permet à l’équipe de recherche d’identifier les microorganismes qui permettraient d’éliminer les métaux et qui pourraient éventuellement être cultivés en laboratoire pour être réinjectés dans des endroits contaminés. «La bioremédiation est déjà utilisée dans le cas des marées noires causées par un écoulement de pétrole, illustre Cassandre Lazar. On injecte des microorganismes qui «mangent» le pétrole et, au bout de quelques mois, la plage redevient propre. Nous espérons reproduire le même procédé pour décontaminer les mines, ce qui serait une première!»
Cet article a d’abord été publié dans Actualités UQAM le 24 septembre 2024.
Veuillez communiquer avec la soussignée pour des entrevues avec la professeure du Département des sciences biologiques, Cassandre Lazar.
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Source :
Evelyne Dubourg
Conseillère en communication
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