Un professeur de l’UQAM s’intéresse à l’étrange histoire des éternuements
Le 27 juillet 2023 ̶ L’historien du Département d’histoire de l’UQAM, Richard Matthew Pollard, s’étonne du mystérieux silence entourant les éternuements à la période médiévale.
Tout le monde éternue. L’être humain éternue en moyenne une à deux fois par jour. Certains croient que la manière d’éternuer reflète la personnalité. Selon les cultures, il existe des formules différentes pour répondre aux éternuements: « À vos souhaits» en français, «God bless you» (que Dieu vous bénisse) en anglais ou «Gesundheit » (santé) en allemand. Éternuer fait partie intégrante de notre quotidien.
« Une recherche rapide sur Google produit 177 millions de résultats pour le mot sneeze », indique le professeur Richard Matthew Pollard, qui s’est intéressé à l’histoire des éternuements entre le 5e et le 10e siècle. Mais si nos contemporains écrivent beaucoup sur le sujet, ce n’était pas le cas au Moyen-Âge. « Le silence des sources sur cette question est frappant, affirme le professeur. C’est très difficile de trouver de l’information à ce sujet. On ne sait même pas ce que les gens disaient à quelqu’un qui éternuait! »
Inspiré par la COVID
Pourquoi l’historien s’intéresse-t-il à quelque chose d’aussi inusité? « L’idée m’est venue au début de la pandémie de COVID-19, quand éternuer était un phénomène angoissant que l’on fuyait à tout prix, raconte-t-il. Je me suis demandé comment les gens du passé réagissaient face aux éternuements. Mes premières recherches n’ont rien donné. J’ai contacté mon ami et mentor Paul Edward Dutton, professeur à l’Université Simon Fraser de Colombie-Britannique, qui n’en savait rien non plus. »
Quelques mois plus tard, des collègues du professeur Dutton ont invité Richard Matthew Pollard à écrire un chapitre d’un ouvrage en hommage au professeur pour sa retraite. « J’ai poussé plus loin mes recherches sur l’histoire des éternuements pour lui faire un cadeau surprise », mentionne-t-il. Son chapitre The Silent Sneeze of the Early Middle Ages, que l’on peut consulter en ligne, fait partie de l’ouvrage In this Modern Age: Medieval Studies in Honor of Paul Edward Dutton (Trivent Publishing).
Éternuements thérapeutiques
Dans sa quête, l’historien a d’abord épluché les ouvrages littéraires. Aucune mention de ce côté. « C’est très étonnant qu’il n’y ait rien, affirme Richard Matthew Pollard. Le grand écrivain du 6e siècle Grégoire de Tours, qui adorait faire mourir les protagonistes de ses œuvres de façon étrange – en évacuant leurs intestins ou en jetant leur âme en rotant, par exemple – n’a jamais parlé d’éternuements. Ça aurait pourtant été une mort plausible puisque des gens peuvent se briser des côtes ou subir des blessures crâniennes en éternuant. »
Seuls les ouvrages médicaux abordent les éternuements. Les médecins de l’époque les évoquaient comme symptôme du rhume, de la grippe ou d’autres maladies, mais aussi dans un cadre thérapeutique. « On faisait éternuer les patients pour les guérir d’un mal de tête ou pour faire sortir des objets coincés dans l’oreille ou dans le nez, explique l’historien. Lors des accouchements difficiles, des médecins prescrivaient aux femmes d’éternuer pour que le bébé sorte plus facilement, à l’image d’une pomme qui tombe d’un pommier que l’on secoue. »
Les livres de médecine du haut Moyen-Âge listent autant les sternutatoires (qui provoquent des éternuements) – comme le poivre, la saponaire, la moutarde ou le jus de concombre – que les produits guérissant les éternuements comme l’aneth, le basilic et l’anis. « Les médecins utilisaient ces produits pour éviter d’aggraver les blessures crâniennes de leurs patients ou encore pour les débarrasser du hoquet », illustre le professeur.
Mythes et significations
L’un des mythes entourant l’expression God bless you a trait à son origine. On dit qu’elle daterait de la première pandémie de peste, qui a frappé lourdement Rome à la fin du 6e siècle. La phrase aurait été prononcée par le pape Grégoire le Grand pour que Dieu vienne en aide aux gens qui mouraient de la peste après avoir éternué. « Cette légende est complètement fausse, puisque la peste ne cause pas les éternuements, s’insurge l’historien. L’histoire a été inventée au 12e siècle, à une époque où l’on ne savait rien de la peste, mais la fausse information circule dans des ouvrages sérieux et partout sur Internet encore aujourd’hui. »
Si les éternuements sont très peu mentionnés durant le haut Moyen-Âge, ils occupent une place beaucoup plus importante dans l’Antiquité. « Dans le livre de Job, écrit entre le 6e et le 4e siècle avant Jésus-Christ, l’éternuement est associé au Léviathan, un monstre qui symbolise l’enfer et le diable, observe Richard Matthew Pollard. Pour leur part, les Romains croyaient que les éternuements étaient des signes divins, alors que saint Augustin disait que si on éternuait le matin, il fallait retourner au lit. »
Richard Matthew Pollard est agréablement surpris de l’intérêt suscité par ses recherches. Il a récemment fait des présentations à ce sujet lors de conférences tenues à Terre-Neuve et au Michigan. « Le plus beau compliment qu’on m’a fait jusqu’à maintenant est venu d’un évaluateur du livre, raconte Richard Matthew Pollard avec un sourire. Il m’a dit que mon chapitre aurait pu avoir été écrit par Paul Edward Dutton lui-même. »
L’article a d’abord été publié dans Actualités UQAM le 17 juillet 2023.
Le professeur du Département d’histoire, Richard Matthew Pollard, est disponible pour accorder des entrevues en français et en anglais. Vous pouvez le contacter directement par courriel, pollard.richard_matthew@uqam.ca ou encore par l’entremise de la soussignée.
- Indisponible dans la semaine du 7 au 11 août 2023.
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Source :
Julie Meunier
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