Montréal Gourmand: les festivals culinaires sous la loupe du professeur de l’ESG UQAM Van Troi Tran

Le 20 juillet 2023  ̶ Montréal vibre chaque année au rythme de nombreux événements culturels festifs. Musique, humour, théâtre et cirque attirent les foules. C’est aussi le cas, de plus en plus, des événements liés à l’alimentation, comme le rendez-vous estival des camions de rue sur l’Esplanade du Parc olympique, chaque premier vendredi du mois, de juin à octobre.

« La métropole a développé dans les dernières années des stratégies de mise en valeur de son attractivité touristique orientées à la fois vers la construction d’un urbanisme événementiel et la promotion d’une culture gastronomique singulière, comme en témoigne la création récente de l’Office montréalais de la gastronomie par Tourisme Montréal », observe le professeur de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, Van Troi Tran.

Embauché au Département d’études urbaines et touristiques de l’ESG UQAM il y a à peine un an, le professeur vient d’obtenir une subvention d’un peu plus de 44 000 dollars du FRQSC afin de réaliser une étude intitulée « Ethnographies de l’événementiel: la pluralité des festivals culinaires et gastronomiques à Montréal ».

« Ces événements culinaires peuvent prendre une coloration ethnoculturelle (Polski Piknik, Orientalys), communautaire (les fêtes de quartier), commerciale (le Mondial de la bière, Soif de Cidre), gastronomique (le festival MTL à TABLE) ou historique (le Marché public dans l’ambiance du 18e siècle), sans oublier de nombreuses autres manifestations culturelles qui comportent une dimension culinaire, comme le Festival Afromonde ou A Taste of the Caribbean», illustre-t-il.

« Ces événements festifs peuvent également être mobilisés dans la constitution d’espaces pour l’affirmation de contre-discours ou de pratiques alternatives, à l’exemple des foires Slow Food ou Via Campesina à l’échelle internationale, ou du Festival végane et du Festival AlimenTerre dans le contexte montréalais », ajoute Van Troi Tran, qui enseigne au Certificat en gestion et pratiques socioculturelles de la gastronomie ainsi qu’au Programme court de deuxième cycle en études sur l’alimentation et au DESS en études sur l’alimentation.

Panorama d’une diversité de pratiques

Dans le cadre de son projet de recherche, Van Troi Tran souhaite explorer la diversité des pratiques mises de l’avant à l’occasion d’événements alimentaires et gastronomiques à Montréal, dans une perspective ethnographique. « Nous souhaitons mieux comprendre comment les participants et exposants négocient leurs pratiques de mise en valeur dans les contraintes spatiales, temporelles, administratives et logistiques imposées par ces événements », précise-t-il.

Les étudiantes et étudiants qui participeront au projet commenceront par établir une typologie des différents événements, pour ensuite réaliser des entretiens semi-dirigés avec des participants et des organisateurs afin de cerner les discours, pratiques, ambiances et représentations contribuant à enrichir l’objet alimentaire ou gastronomique, explique le chercheur. Ils effectueront également des observations sur le terrain et produiront de la documentation audiovisuelle.

Van Troi Tran insiste sur la pertinence d’initier les étudiantes et étudiants au film ethnographique. « Il s’agit d’une méthode de cueillette de données souvent utilisée dans les domaines de l’ethnologie et du patrimoine, explique-t-il. La vidéo permet de capter une autre dimension, surtout dans le cas d’événements multisensoriels comme les festivals culinaires, où il y a de la couleur et plusieurs interactions entre les organisateurs, les artisans et les participants. »

L’alimentation aux expositions universelles

Van Troi Tran s’est intéressé à l’alimentation un peu par accident. « Au départ, je m’intéressais à la façon dont les gens ont vécu les expositions universelles de Paris, plus précisément celles de 1889 et de 1900. C’est en discutant avec mon directeur de thèse, à l’Université Laval, que l’alimentation s’est avérée un bon filon, raconte-t-il. Le sujet avait été peu étudié, car les spécialistes des expositions universelles s’intéressent avant tout à la manière dont les pays se représentent ainsi qu’à l’architecture des monuments et des bâtiments, très peu à la vie quotidienne et à ce que les visiteurs et visiteuses font sur le site. »

Le jeune chercheur a constaté que les données sont pourtant abondantes. « Les expos universelles sont des événements organisés par l’État, alors il existe une multitude de documents et de traces écrites, notamment un fonds spécial aux Archives nationales à Paris, dit-il. Il y a aussi les journaux de l’époque – et en France il y en avait beaucoup: des quotidiens, des hebdomadaires, des mensuels – et les archives de la police dans lesquelles on retrouve des rapports et des témoignages d’incidents et de litiges de toutes sortes survenus lors des expositions. Cela donne à voir un portrait très différent du discours “officiel” sur l’événement! »

Dans sa thèse, Van Troi Tran fait état des nombreuses tensions, interactions et négociations reliées à l’univers de l’alimentation. Il en a tiré un ouvrage: Manger et boire aux expositions universelles. Paris 1889-1900 (Presses universitaires de Rennes, 2012).

Van Troi Tran a fait un saut dans la modernité pour son postdoctorat à Harvard. « J’ai assisté à l’expo universelle de Shanghai en 2010 pour observer comment les participants étrangers interagissaient avec les autorités chinoises et l’appareil bureaucratique, en lien notamment avec l’inspection des aliments et les contraintes entourant la
restauration », précise-t-il.

Chargé de cours en ethnologie à l’Université Laval, il a travaillé pendant 10 ans comme assistant à la rédaction d’Ethnologies, la revue de l’Association canadienne d’ethnologie et de folklore.

À l’UQAM, les travaux de Van Troi Tran s’inscriront dans la foulée de ceux du professeur retraité Jean-Pierre Lemasson et de sa collègue Julia Csergo.

« L’alimentation est un créneau porteur, un sujet transversal qui peut être appréhendé à travers plusieurs disciplines, à la fois en sciences naturelles – la biologie et la nutrition, voire les sciences de l’environnement – et en sciences sociales, notamment l’histoire et la sociologie, souligne-t-il. J’espère faire progresser les connaissances par la recherche ethnographique. »

Cet article a d’abord été publié dans Actualités UQAM le 28 juin 2023. Le professeur Van Troi Tran est disponible pour accorder des entrevues. Vous pouvez le joindre par courriel tran.van_troi@uqam.ca ou encore par l’entremise de la soussignée.

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Source :
Julie Meunier
Conseillère en communication
Division des relations avec la presse et événements spéciaux
Service des communications
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meunier.julie@uqam.ca

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