Intimités numériques : une exposition de huit courts métrages commissariée par la professeure de l’UQAM et cinéaste Diane Poitras 

Le 7 septembre 2023 — Les réseaux sociaux, tels que Facebook et Instagram, ont-ils perverti l’expérience de l’intimité? L’espace de liberté associé à la vie personnelle est-il sacrifié à l’injonction de transparence qui caractérise les réseaux sociaux? Dans quelle mesure ceux-ci brouillent-ils la frontière entre la sphère privée et la sphère publique? Ces questions sont à l’origine de l’exposition Intimités numériques, commissariée par la professeure de l’École des médias de l’UQAM Diane Poitras (Ph.D. communication, 2014), qui sera présentée à l’Espace studio du Centre d’art et de diffusion Clark (5455, avenue de Gaspé, local 609), à Montréal, du 6 au 11 septembre prochains. Huit courts métrages documentaires sur support vidéo, réalisés par des étudiantes et étudiants des cycles supérieurs en communication et par deux artistes professionnels, sont présentés, complétés par une installation.

Intimités numériques constitue la deuxième phase d’un projet de recherche-création mené par la professeure et commissaire de l’exposition, en collaboration avec ses collègues André Mondoux et Marc Ménard. « L’objectif de ce projet, est de se questionner sur ce que devient l’intimité sous la pression des réseaux sociaux », explique Diane Poitras, qui est aussi réalisatrice de documentaires. «L’exposition de soi sur ces réseaux et la captation de données personnelles que ceux-ci permettent, souvent à notre insu, mettent en cause notre conception de l’intimité. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment les gens jouent et négocient avec cette réalité. »

Selon la professeure, l’espace de l’intimité ne représente pas nécessairement une rupture avec le monde. « C’est aussi un espace réflexif, qui permet de faire un pas de côté. L’exposition en ligne de pensées ou d’expériences relevant de l‘intime peut contribuer à dessiner de nouvelles manières de vivre ensemble, favorisant l’échange d’idées et de pratiques. En ce sens, l’intimité représente une sphère de la vie pouvant être reliée au social et au politique. »


Scènes d’intimité

L’exposition montrera des démarches documentaires à la fois expérimentales et expériencielles, qui présentent différentes scènes d’intimité en ligne. Dans l’un des courts métrages, L’intime du spectaculaire, la réalisatrice et étudiante à la maîtrise Fanie Pelletier rencontre Gabrielle Marion, une youtubeuse trans qui a documenté sa transition. Filmé en ligne, l’entretien donne à voir les paradoxes de la plateforme, où les tentatives de créer un sentiment de communauté croisent les contraintes imposées par la recherche du succès populaire et commercial. « La youtubeuse expose des choses très intimes, mais il est important pour elle de documenter son expérience personnelle pour que la réalité trans ne soit pas occultée, note Diane Poitras. Donner de la visibilité à cette réalité, encore marginale et taboue, est un geste politique. »

La vidéo Julien contre Bernatchez, du doctorant Rui Silvera, s’interroge sur les formes d’exposition de soi dans le travail en ligne de l’humoriste Julien Bernatchez. Au fil d’un dialogue inattendu entre Julien et son personnage s’esquissent les conflits identitaires qui se posent face aux appels à la visibilité sur les plateformes numériques. « La question soulevée est jusqu’à quel point doit-on se livrer et être authentique sur le web? »

L’installation vidéo Sans la peau de l’artiste Marjolaine Béland aborde le rapport sensible aux téléphones intelligents. La répétition tournoyante du motif de la main qui frôle, frotte et pianote, jumelée à des effets sonores, recompose la complexité de l’expérience sensorielle et personnelle du toucher. Confronté aux interfaces vitrées des appareils mobiles, le geste devient cadré et codifié.

Diane Poitras a aussi réalisé un court métrage, État de veille, qui met en scène et donne la parole à une modératrice sur les réseaux sociaux.

« Les œuvres composant l’exposition forment une sorte de collage traversé par des enjeux qui se trouvent en dialogue les uns avec les autres, observe la professeure. Certains films ont déjà circulé dans des festivals, mais le fait d’être réunis dans un même espace physique leur donne une autre dimension. Ils ne cherchent pas à fournir une définition de l’intimité contemporaine, mais tous s’intéressent à la façon dont cette intimité s’exprime sur les plateformes numériques ainsi qu’aux questions que cela soulève. »

L’exposition comprend également une installation, Enchevêtrement, conçue par Diane Poitras. Par des jeux de superpositions de formes, de mouvements, de sons et de textures, la professeure explore une autre dimension de l’intimité, qui s’incarne dans le rapport de l’humain au non humain. « C’est une espèce de postscriptum à l’exposition. Je me suis demandé s’il n’y avait pas une autre façon de penser l’intimité, non pas celle avec les humains et les machines, mais celle avec la nature et la matière en général, dans le contexte actuel de crise écologique. »


Puiser aux sources du documentaire

Chacun à leur manière, les courts métrages s’approprient ou détournent les codes du cinéma documentaire en puisant à différentes sources: la tradition du cinéma expérimental, la relecture du présent à travers les révélations d’images d’archives, le dispositif d’entrevue ou le débat filmé, comme dans la vidéo du doctorant Bàlint Demers, Dans le laboratoire, où quatre professeurs d’université discutent à bâtons rompus du capitalisme numérique et de ses alternatives politiques.

« L’exposition rend compte du documentaire contemporain, dans lequel on trouve des explorations de toutes sortes, indique Diane Poitras. Celles-ci s’éloignent parfois de la conception traditionnelle et questionnent la complexité du réel en ayant recours à des formes d’expression diversifiées. Ainsi, les courts métrages de l’exposition cherchent à appréhender l’intime tel qu’il se déploie dans le rapport au corps ou dans la construction de l’identité à l’ère du numérique, au moyen, par exemple, de l’entrevue, d’images d’archives ou d’une mise en scène du réel. »

Bénéficiant du soutien financier du Fonds de recherche du Québec – Société et culture, du CRSH et de l’UQAM, le projet Intimités numériques est le fruit d’un travail collectif, souligne la professeure. «Les étudiantes et étudiants cinéastes ont participé à toutes les étapes du processus: recherche, conception, tournages et montages.»

Les candidates à la maîtrise Anne Gabrielle Lebrun Harpin et Andréanne Martin ont signé la réalisation des vidéos documentaires Un robot à soi et Beijing, alors que le doctorant Martin Bonnard et la doctorante Joëlle Gélinas ont participé au projet à divers titres.

Cet article a d’abord été publié dans Actualités UQAM le 1er septembre 2023.

La professeure de l’École des médias et commisaire Diane Poitras est disponible pour accorder des entrevues. Vous pouvez la joindre directement par courriel, poitras.diane@uqam.ca, ou en communiquant avec la soussignée.

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Source :
Julie Meunier
Conseillère en communication
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Service des communications
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